Emmanuelle Froumenty et Marie Maurice Militantes
Emmanuelle Froumenty et Marie Maurice
Militantes présentes sur les lieux
0033/6.26.73.78.08
leilamanusan@yahoo.fr
Communiqué de presse
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Au nom de la justice sociale, accordons à tous les mêmes droits!
En ce début d'année 2011, des évènements ont bouleversé le quotidien de neuf familles Roms de Roumanie, qui squattaient depuis plus de deux ans et demi une maison de la Communauté Urbaine de Bordeaux, située à Cenon. Leur présence était alors tolérée autour d'une volonté d'intégration sociale des familles, leurs enfants étant scolarisés et leurs demandes de cartes de séjour remises à la préfecture, suivant les recommandations du Conseil de l'Europe.
Vendredi 28 janvier
En début d'après-midi, de nombreux Roms sont à l'extérieur en quête d'un travail et à ce même moment les pompiers sont en route pour un incendie, de provenance inconnue, survenu dans une partie non utilisée de leur squat. Par « mesure de sécurité », les habitants sont délogés par les forces de l'ordre, et le maire prétend leur avoir donné quatre heures pour récupérer leurs affaires personnelles. Pourtant, nombreuses manquent aux familles. A 20h, sous un froid glacial, la DDASS leur propose une nuit en chambre d'hôtel, ce que refusent les membres du Collectif RomEurope. déjà sur place, qui soumettent l'idée, approuvée, d'un refuge au gymnase Palmer de Cenon, mis à disposition dans le cadre d'un « plan grand froid » en partenariat avec le Samu social. Ainsi, les familles ne sont pas éloignées de la commune, et invitent cette dernière à prendre ses responsabilités. Les 46 Roms dont 22 enfants et 3 nourrissons sont accompagnés par les militants, instituteurs et particuliers pendant que les fenêtres de la maison sont cimentées.
La nuit au gymnase s'annonce provisoire comme l'ordonne Michelle Cazanove, sous-préfète d'astreinte ce week-end. L'évacuation du gymnase devra se faire avant 8h le lendemain matin. Constatant la mobilisation en faveur des Roms, elle accepte de repousser l'évacuation jusqu'à 12h « si nécessaire ». Les associations Procom et Médecins du monde aspirent à une « proposition concrète » d'Alain David, maire de Cenon. Mais celui-ci annonce qu'un relogement n'est pas possible « administrativement », à l'heure des élections cantonales, dans un contexte où le voisinage serait dérangé. Fatalité ou coïncidence de l'incendie? Alain David nous apprend que cette maison anciennement squattée va être démolie mardi prochain. Conformément à la loi, la préfecture devrait prendre en charge sous 48h les trois familles possédant un récépissé de carte de séjour. Or, le délai avancé est de 15 jours. Il y a encore de quoi se poser des questions face à l'opacité de la situation, alors que les familles se concertent afin d'éviter une double exclusion de celles qui, bien qu'en situation régulière, n'ont pas de récépissé. Que faire et où aller? Une collecte de fonds est alors improvisée par les militants des droits de l'homme afin de répondre aux besoins vitaux des nourrissons et des enfants, complémentaire à l'aide alimentaire de la Protection Civile aussi sur place. Peu avant minuit, des lits et couvertures supplémentaires sont livrés sous la direction de la sous-préfète, bien que la directrice du Samu social affirme que « les Roms prennent la place des SDF français ».
Samedi 29 janvier
Il est 6h30. Les militants se réunissent au plus grand nombre afin de soutenir les familles et de « négocier » cette rude décision, suite à une évacuation qui ressemble à une expulsion indirecte. Tout comme l'incendie à Orly le 26 janvier 2011[1]. Mais encore, au 20 novembre 2010[2] à Lyon où l'on s'est demandé si des policiers avaient gazé un chien ou des Roms. En outre, humainement, il est inacceptable que les familles partent le ventre vide et sans perspective de relogement. Pourtant, selon la sous-préfète, ce n'est pas « une situation d'urgence »,les familles « viennent de la rue et doivent y retourner ». Roms, militants et associations attendent ses propositions. Refusant la transparence du débat, elle demande alors une concertation à huis clos. Pendant ce temps, une équipe de citoyens sillonne les communes afin de réquisitionner des logements et mettre fin à cette inaction des politiques en ce mois d'hiver. Avant midi, heure ultime de l'évacuation du gymnase, une délégation comportant Procom, Médecins du monde et deux Roms, Danut, et Léonard, porte-parole des familles pour sa maîtrise de la langue française, relogé il y a trois ans par les associations. La situation sanitaire ne permet pas à Laurent Seban, médecin, d'accepter que les 25 enfants, dont trois nourrissons, repartent dans le froid avec une couverture comme seul toit. A défaut d'une proposition concrète et durable, la délégation exige un maintien des familles dans ce gymnase afin de leur laisser le temps de rebondir et de trouver par elles-mêmes une solution. En présence de la presse, le délai est accordé jusqu'à lundi 8h, comme pour soigner une image politique aux yeux des futurs électeurs. Danut prend son accordéon, on esquisse quelques pas de danse et de beaux sourires apparaissent sur les visages, exprimant un soulagement immédiat, celui de ne pas se retrouver dehors avec les enfants sous le bras. Dès le début d'après-midi, le Secours Populaire apporte rapidement une aide alimentaire et vestimentaire, tout comme le maire de Cenon qui finit par offrir les repas du soir. Jouant la carte de la division, un élu l'accompagnant ne s'est pas abstenu de dire à un rom qu'il devait se méfier des associations présentes, une manière de créer la méfiance et de fragiliser l'unité au gymnase. Les hommes Roms repartent en repérage d'un nouveau squat. Danut en a déjà trouvé un et s'y installe avec sa famille.
Dimanche 30 janvier
En soirée, les familles se préparent à quitter les lieux lundi matin à 7h. Par chance, ils ont trouvé une maison abandonnée proche de l'ancienne, à Lormont, à proximité du tramway et des écoles. Les chefs de famille prennent l'initiative d'aller nettoyer le nouvel habitat, comprenant six pièces, une véranda et un garage. On sait déjà qu'il n'y a ni eau ni électricité. Alors que des femmes nettoient l'espace du gymnase, d'autres expriment leur inquiétude, allégée cependant par cette mobilisation remplie d'humanisme, sans oublier de remercier Dieu. En effet, ces conditions de vie sont bien meilleures qu'en Roumanie. Les enfants, eux, se soucient de leur présence lundi à l'école sans leur cartable.
Dans la nuit, un incendie survient dans un autre squat de Roms bulgares, d'environ 50 personnes, situé avenue Thiers. Plus tard, des bulgares délogent Danut et sa famille, qui reviennent au gymnase Palmer par sécurité.
Lundi 31 janvier
Il est 7 heures. Certains militants boivent leur café, d'autres aident à porter les quelques cabas dans leur véhicule personnel. Les enfants ont hâte d'être à l'école, portant les mêmes vêtements que vendredi. Aucun signe de la Mairie de Cenon ni de la préfecture, mais le délai est respecté. Les trajets du gymnase à la nouvelle maison sont assurés rapidement et les enfants conduits à l'école.
Dans la matinée, les démarches sont administrées par deux délégations, à la Mairie de Lormont et au Centre Communale d'Action Sociale pour solliciter une aide alimentaire, approuvée aussitôt. Le soulagement se ressent pour les Roms quand les provisions sont livrées, même s'ils ne sont pas habitués à ce que l'on mange en France. Les premiers dons collectés arrivent. En milieu d'après-midi, l'association Procom arrive à obtenir l'accord d'Alain David, maire de Cenon pour la récupération des affaires laissées dans l'ancien squat. En deux jours, les matelas et vêtements auraient été mangés par les rats, tout n'a pas été retrouvé. Un camion était prévu à cet effet, or, les autorités ont refusé son départ pour le nouveau squat. Ce sont donc les bénévoles, qui, sans hésitation, ont mis leur véhicule à disposition. Bien que convenue, il semblerait que cette situation dérange quelque peu le maire de Cenon. On l'aperçoit discuter discrètement avec un journaliste de Sud-Ouest, soulevant probablement des recommandations relatives à son futur article.
Pendant ce temps, on s'active au nouveau squat. Un point d'eau est signalé à quelques pas et l'installation du compteur électrique a été demandée à la mairie de Lormont par Procom. Les deux cheminées devraient être ramonées afin d'éviter l'intoxication. On s'en accommode, témoignant péniblement de ce qu'il manque pour vivre réellement sous ce toit. La journée paraît longue, il y a tant de choses à faire.
[1]http://www.lejdd.fr/Societe/Faits-divers/Depeches/Incendie-d-un-campement-de-Roms-259707/
[2]http://www.rue89.com/2010/11/20/a-lyon-la-police-a-t-elle-gaze-un-chien-ou-des-roms-17681
Mardi 1er février
Les chambres s'aménagent petit à petit en cloisonnant l'espace afin que chacune des neuf familles trouve sa place. Tout le monde n'est pas confortablement logé, jusqu'à que le Secours Populaire apportent des matelas et des couvertures. Certains bricolent le garage qui ne peut pas être chauffé par manque de moyens, en l'isolant avec des planches de bois. Dans l'ancienne salle de bain dégradée, ça scie, coupe, clou avec des outils prêtés ou donnés, pour créer une chambre supplémentaire. La famille de Danut s'installe dans la véranda où l'humidité pose problème. Toutes les pièces ne sont pas chauffées, les uns s'installant avec d'autres en attendant. Les nuits sont rudes, tout le monde dort habillé pour lutter contre le froid, la fatigue s'accumule, rhumes et mal à la gorge apparaissent. Dans l'après-midi, du bois est déchargé, don d'un anonyme, et notamment des sommiers, vêtements pour enfants, boîtes de conserve, et serviettes de bain amenés par des instituteurs. Les enfants rentrent de l'école avec leur goûter qu'ils partagent avec les plus petits.
L'ancien squat à Cenon est désormais démoli, comme l'avait annoncé le maire. Un nouveau projet d'urbanisme va certainement voir le jour en échange de neuf familles en survie incertaines d'une prochaine expulsion.
Mercredi 2 février
La situation des familles roms attire la presse, les étudiants de l'IUT de journalisme sont présents. Le représentant du Secours Populaire, qui vient juste d'arriver en camion, refuse d'être filmé comme cela lui a été spécifié. Les hommes aident à décharger les cageots de nourriture, des matelas supplémentaires et de nombreux sacs de vêtements. Bien que le minimum ait été donné, la nervosité se ressent. A la tombée de la nuit, c'est un peu le brouhaha à l'heure où il faut distribuer les vêtements, comme si, les uns et les autres voulaient « tout » pour ne manquer de « rien ». Un comportement face à la détresse que les 46 roms ont vécu. Un des plus âgés coordonne la distribution dans le chahut. Le calme revient vite, lorsque chacun découvre les nouveaux vêtements dont il pourra se vêtir aussi bien pour aller à l'école que pour chercher du travail.
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Bien que la vie des Roms suive inéluctablement son cours, il est grand temps que les politiques se saisissent du problème relatif au projet de Maîtrise d'œuvre Urbaine et Sociale, diagnostiqué depuis plusieurs mois par la Communauté Urbaine de Bordeaux.
Nous espérons que les associations militantes des droits de l'homme s'unissent de plus en plus afin de bousculer l'inertie des pouvoirs publics qui sont bien au chaud dans leur bureau. Les expulsions abusives de l'été 2010, recouvrant de corruption passive, tendent à démontrer que les Roms sont considérés comme des sous-citoyens tels des parias européens. De plus, il est important de savoir que la plupart des Roms fuient une extrême précarité en Roumanie et en Bulgarie notamment. Il leur est également difficile de travailler légalement, saisissant les opportunités non déclarées pour subvenir à leurs besoins. Ceci donne une place légitime à l'esclavagisme moderne et à un apport largement pécuniaire aux employeurs, ne jouant par leur rôle en terme de démarches auprès des préfectures afin de régulariser leur situation sociale et salariale.
A l'heure où l'État ne remplit plus ses obligations, et laisse les familles dans un grand dénuement, nous appelons au don de vêtements, matelas, lits, jouets pour enfants, couvertures, pour les plus démunis.
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